Sans aucun doute, statistiquement et traditionnellement, l’industrie vitivinicole est considérée comme une niche masculine. Mais aujourd’hui il n’est pas si rare de trouver des femmes dans ce domaine.
Commençons par le fait que l’envie de faire plus que comprendre ce domaine, c’est-à-dire l’intérêt à l’enseignement supérieur a nettement augmenté depuis le milieu du XXe siècle. En 1956, seuls 6 % des étudiants diplômés dans des métiers liés au vin étaient les femmes ; en 2015, ce chiffre était déjà d’environ un tiers. En outre, cette tendance s’est considérablement accélérée : en 2020, déjà la moitié des diplômés des facultés d’œnologie, de vinification et des écoles de sommellerie étaient des femmes. De plus, les femmes s’occupents de plus en plus de la gestion des domaines viticoles : en France, par exemple, environ un tiers des vignerons et propriétaires de leurs exploitations sont des femmes, contre un quart au niveau mondial.
Même si cette tendance est plus évidente aujourd’hui, il existe plusieurs exemples historiques de femmes vigneronnes ambitieuses et déterminées qui ont marqué le monde du vin et ont même influencé les technologies et les styles de production du vin :
- Barbe Nicole Clicquot-Ponsardin, plus connue sous le nom de Veuve Clicquot, qui a inventé le remuage – une méthode de filtration du vin effervescent de sédiment de levure lorsque les bouteilles sont installées à un angle de 45 degrés sur des lattes en bois spéciales – des pupitres – et sont progressivement transférées vers une position verticale afin que tous les sédiments s’accumulent au niveau du col et puissent être facilement retirés des bouteilles. Faut-il rappeler que cette méthode est encore utilisée dans l’élaboration non seulement du champagne, mais aussi d’autres vins effervescent produits par la méthode traditionnelle.
- Elisabeth Bollinger – devenue directrice de la célèbre Maison de Champagne du même nom pendant les temps difficiles de la Seconde Guerre mondiale. Pendant 30 ans, elle se consacre avec enthousiasme à l’entreprise familiale, dont elle hérite après le décès de son mari, et préserve non seulement la tradition du vieillissement des vins de réserve en fûts (qui donne au Champagne Bollinger son bouquet reconnaissable), mais aussi, on peut dire, qu’elle a inventé une nouvelle catégorie de vins effervescent – « récemment dégorgé », lorsque le champagne reste en contact avec les sédiments de levure beaucoup plus longtemps que ne l’exige la réglementation de l’appellation, et les sédiments eux-mêmes sont retirés immédiatement avant la commercialisation. Le résultat est un vin tout à fait unique avec des notes vives d’autolyse et une fraîcheur étonnante. Les vignerons champenois utilisent aujourd’hui ce principe par exemple pour leurs cuvées premium, mais ne peuvent pas utiliser le terme « récemment dégorgé », ou « R.D. », puisqu’il est breveté par la Maison Bollinger.
- Madame Pommery, Alexandrine Louse Pommery, également veuve déterminée, reprend la direction de la Maison de Champagne, pour laquelle elle transforme d’anciennes carrières de chaux en caves de vieillissement. Et c’est Madame Pommery qui fut la première à produire du champagne brut beaucoup moins sucré qu’on avait l’habitude de boire à l’époque et qui connut malgré tout un grand succès. Aujourd’hui c’est (presque) la seule catégorie de champagne du marché (puisque le brut comprend le brut nature et l’extra- le champagne brut, demi-sec perd du terrain, et le champagne sec ou doux n’existent plus).
Avec le développement du domaine d’œnologie, les femmes deviennent désormais également œnologues, chercheuses, deviennent responsables de la vinification et de l’assemblage, des journalistes, des expertes et des sommelières célèbres…
Mais qu’est-ce qui m’a amené à de telles réflexions ? La réponse est simple : le monde du vin est une chose étonnante et fascinante, mais pas toujours compatible avec le rôle féminin le plus important : celui de mère.
Comment combiner l’opportunité de faire un miracle – de donner la vie, d’en assumer la responsabilité dès le jour de la conception, et en même temps de ne pas renoncer au besoin de développement personnel et professionnel ? Récemment, je me suis retrouvée dans la nécessité de trouver un compromis raisonnable, m’adapter et me préparer à accueillir une nouvelle personne dans la famille, tout en maintenant un rythme de travail optimal.
Attention : le but de cet article, et notamment de la section suivante, n’est en aucun cas de justifier la présence même très limitée d’alcool dans la vie d’une femme enceinte, mais de réfléchir à une manière de se protéger et de protéger son enfant à naître lors de son travail, lié à des boissons alcoolisées.
La question la plus importante : alcool et grossesse
Je pense que c’est la première chose qu’une femme enceinte se demande. Bien entendu, éliminer la consommation de boissons alcoolisées pendant cette période importante est la seule bonne décision. Mais si le travail implique de nombreuses dégustations ? Et tout d’abord, ce ne sont pas seulement les œnologues et les journalistes qui peuvent adapter, redistribuer ou réduire le nombre de dégustations. Il s’agit d’œnologues et de propriétaires de châteaux qui surveillent entièrement le processus de production du vin (surtout dans le cas de petites propriétés familiales). S’il faut déterminer l’assemblage d’un vin, suivre son évolution au cours de l’élevage en barrique à la fin de ce processus, cela implique de déguster des dizaines d’échantillons, parfois quotidiennement, et de prendre une décision rapide (par exemple, lorsque le vin a terminé la fermentation ou l’élevage dans le fût, quel assemblage il aura cette année etc.). En d’autres termes, ici c’est déjà plus difficile de reprogrammer ou d’annuler quelque chose .
Les professionnels du vin seront d’accord avec moi : plusieurs dizaines de vins lors d’une longue dégustation affecteront inévitablement non seulement la perception des saveurs (bien sûr, les papilles vont se fatiguer), mais aussi la quantité d’alcool dans le sang, même si tous les échantillons sans exception ont été recrachés. Cela arrive parce que la petite quantité de vin reste en bouche même après l’avoir recraché, et elle est mélangée à la salive, qui est sécrétée pour rétablir l’équilibre dans la bouche (surtout dans le cas de vins à une acidité ou un niveau de tannins élevées), et qui, au contraire est avalé. Et à la fin d’une telle journée de travail, il est tout à fait possible de boire ainsi un ou deux verres de vin.
Comment éviter cela lorsque le seuil maximum d’alcoolémie est de zéro ? Connaissant les particularités des grandes dégustations, j’ai développé pour moi quelques principes simples :
- Ne jamais déguster ventre vide – la nourriture aide à empêcher l’alcool d’être directement et rapidement absorbé et de pénétrer dans le sang.
- Bien recracher non seulement le vin, mais aussi la salive qui s’en dégage.
- Rincer la bouche après chaque dégustation.
- Déterminer un maximum de vins pour la journée.
- Ne pas déguster un vin après l’autre le plus rapidement possible, mais étalez la dégustation sur la journée.
- Éviter les alcools forts (cognac, whisky, armagnac, liqueurs, etc.)
Bien sûr, cette approche ralentira quelque peu le rythme de travail, mais la responsabilité de la vie future est sans aucun doute plus importante.
D’après ma propre expérience, je peux dire qu’en utilisant les astuces ci-dessus, non seulement je n’ai pas eu la sensation de boire un verre de vin, mais en plus mes papilles étaient moins fatiguées.
Changement dans la perception du goût
Une autre caractéristique que j’ai rencontrée était une modification de l’acuité de l’odorat et de la perception des saveurs du vin. Si un odorat plus sensible, bien sûr, est utile pour le travail, alors le changement de la perception des saveurs se distinguait par une sensibilité plus élevée à l’acidité du vin. De plus, les vins ne semblaient pas acidulés, ce qui n’est pas une caractéristique négative, mais plutôt acides.
Que faire dans ce cas ? Rédiger plutôt des descriptions d’arômes et prendre en comte les caractéristiques des cépages, des appellations et des millésimées afin de « corriger » la perception de l’acidité dans le bon sens. À propos, la perception du niveau d’alcool peut également passer de « chaleureux » à, par exemple, « brûlant », même si ce n’est pas vraiment le cas.
Conclusion : Dans quelle mesure le travail dans le secteur vitivinicole et la grossesse sont-ils compatibles ?
Il faut dire que les recommandations des médecins, même dans les pays où le vin fait partie intégrante de la culture depuis des siècles et des millénaires, ont radicalement changé au cours des dernières décennies. Je n’ai pas pu trouver de documents officiels du milieu du siècle dernier contenant des recommandations pour les femmes enceintes à titre de comparaison, donc seuls les commentaires des utilisateurs sur les forums et les communications personnelles peuvent indiquer le changement de « il n’est pas recommandé de boire plus d’un verre de vin par semaine » à « pas une goutte d’alcool pendant 9 mois ». L’impact négatif d’une quantité importante d’alcool sur le développement intra-utérin d’un enfant a été prouvé dans les années 1970. Mais que se passe-t-il avec une consommation très faible et occasionnelle, par exemple une coupe de champagne au Nouvel An ou un anniversaire? Y a-t-il un certain « seuil de sécurité » auquel l’alcool n’aura pas d’effet destructeur sur l’organisme en croissance ?
La solution la plus raisonnable est donc effectivement d’exclure la consommation et de minimiser les effets des dégustations si le travail implique des boissons alcoolisées.
J’espère que mes réflexions et techniques que j’ai partagées avec mes lecteurs en tant que professionnel de l’industrie du vin les aideront pendant cette période merveilleuse et difficile de la vie.
P.S. Pour en savoir plus sur une alternative autorisée durant la grossesse, je vous invite à lire mon article sur les vins sans alcool et désalcolisés.