La Semaine des Primeurs 2023 à Bordeaux

Contenu :
► Conditions météorologiques et l’hiver 2022
► Vins doux et développement de la pourriture noble
► Conclusion : millésime 2022 – millésime de terroir

Après le temps plutôt frais et humide de 2021 (surtout dans le contexte du réchauffement climatique, ou changement climatique dont on entend constamment parler de nos jours), 2022 s’avère plus en phase avec les réalités climatiques du moment. Le manque de précipitations en hiver et l’été 2022 plutôt sec et chaud ont particulièrement affecté le cycle végétatif de la vigne et, par conséquent, le profil organoleptique des vins.

Conditions météorologiques et l’hiver 2022

Avant de passer aux estimations, regardons les conditions météorologiques de l’hiver 2022 :

  1. Après un automne 2021 assez sec, décembre 2021 a été chaud et humide, suivi de janvier et février 2022 ensoleillés et secs. Le début du mois de mars 2022 a été frais et le temps n’a commencé à s’améliorer que vers la fin du mois, entraînant un début de cycle végétatif (débourrement) 2022 plus tardif que 2021 et hétérogène/li>
  2. Les gelées d’avril (2, 5 et 10 avril) se sont révélées moins intenses et plus précoces qu’en 2021, et ont eu un effet moins important sur le vignoble. Cependant, début avril, les précipitations ont également été inférieures à la normale, ce qui a rendu impossible la reconstitution du déficit hydrique du sol. La vitesse de croissance des vignes est donc restée dans les valeurs moyennes.
  3. Le mois de mai 2022 a été l’un des mois les plus chauds de ces dernières décennies. Les températures ont atteint 30 degrés pendant plusieurs jours, suivies d’orages et de grêle localisés. Cette humidité a permis d’accélérer la croissance de la vigne, mais, là encore, elle a été inférieure à la norme de la région. À la mi-mai, les premières fleurs sont apparues dans les vignes et la floraison s’est déroulée assez rapidement et dans des conditions favorables.

Ainsi, en 2022, le premier critère d’un millésime réussi a été rempli : une floraison uniforme et rapide, dans des conditions favorables. Le début chaud de l’été a apporté une humidité tant attendue sous forme d’orages et, par endroits, de grêle, ce qui a permis d’accélérer la formation des grappes et la croyssance des baies. Le mois de juillet a été caractérisé par des journées ensoleillées, des températures élevées (supérieures à 35 degrés) et un manque de précipitations qui ont stoppé la croissance des baies et qui expliquent leur petite taille au moment de la récolte.
Le début de la maturation (véraison – changement de couleur des baies du vert au rouge ou au jaune selon les variétés) s’est généralement produit de manière rapide et homogène, à l’exception des zones avec des sols particulièrement drainants et chez les jeunes vignes, où elle a été plus lente. C’est-à-dire que la croissance de la vigne s’est arrêtée avant que les baies ne commencent à mûrir (une autre condition pour un millésime réussi), mais relativement tôt en raison du manque d’humidité du sol et des températures élevées. La maturation la plus uniforme s’est produite dans les zones où le sol a retenu le plus d’humidité après les pluies de juin. Dans les zones aux sols drainants, la maturation a été ralentie.
En août 2022, les températures se sont rapprochées des moyennes et la fin de saison a été chaude et sèche. Les faibles pluies n’ont pas affecté l’état sanitaire des raisins, mais ont permis de débloquer le processus de maturation des baies, qui dans certaines zones s’était arrêté en raison du manque d’humidité du sol. Ainsi, les vignerons ont vendangé sans précipitation et ont pu choisir la date la plus adaptée pour cet événement important.
La récolte des variétés blanches a commencé tôt – dans la première quinzaine d’août, ce qui pourrait signifier un manque de composantes aromatiques et une faible acidité en raison d’un été trop chaud. Cependant, le Sauvignon Blanc, bien que présentant une acidité inférieure à la moyenne de ce cépage, s’est montré assez aromatique, surtout là où le terroir permettait de retenir davantage d’humidité (sols argilo-calcaires). Le sémillon a été assemblé un peu plus tard, car il est moins sensible aux températures élevées, ce qui lui a permis de développer des arômes de fruits à noyau assez frais mais juteux.
Les cépages rouges produisent de petites baies, avec une concentration en sucre importante et une acidité plutôt faible (une des plus faibles des 10 dernières années). Le Merlot déjà fin août n’avait pas de notes « vertes » ou « herbacées », mais seulement des arômes juteux et fruités. Ce cépage a été entièrement récoltée à la mi-septembre dans des conditions climatiques idéales. Le Cabernet Sauvignon a continué à mûrir dans les mêmes conditions favorables, mais au moment de la récolte, il présentait également une acidité assez faible pour lui. Cependant, les deux variétés présentaient une concentration incroyable d’anthocyanes, l’une des plus élevées de ces dernières années. Ainsi,la dernière condition d’un millésime réussi, une fin de saison sèche et chaude, qui a permis aux cépages tardifs de mûrir et aux vignerons de déterminer la date optimale de vendange, a été pleinement remplie en 2022.

Vins doux et développement de la pourriture noble

Pour les vignobles produisant des vins doux de Bordeaux, les conditions chaudes et sèches de fin de saison ne sont au contraire pas les plus favorables, car cela ne favorise pas la développement de la pourriture noble, mais dessèche les raisins. En août, les cépages blancs du vignoble de Sauternes se distinguaient déjà par leur maturité idéale : faute d’humidité, les baies commençaient à se dessécher. Ces raisins n’ont pas été adaptés à la formation et au développement de la pourriture noble, ils ont donc été récoltés dans la première quinzaine de septembre. Certains vignerons ont alors décidé de tenter leur chance et d’attendre des conditions plus favorables, et d’autres ont décidé de terminer les vendanges à la mi-octobre. Cependant, à partir de la deuxième quinzaine d’octobre et après une courte période de pluies, le temps est redevenu plus sec et plus venteux, ce qui a permis un développement rapide et homogène du botrytis. Les vendanges de la deuxième quinzaine d’octobre ont produit des baies concentrées, riches en aromatiques et riches en sucre (mais peu acides), laissant espérer des vins de Sauternes profonds et concentrés.

Conclusion : millésime 2022 – millésime de terroir

Comme indiqué ci-dessus, les températures élevées, le manque de précipitations et les vendanges précoces impactent négativement les arômes et l’acidité des cépages blancs, donnant lieu à des vins plats sans grand intérêt ni potentiel. Cependant, les sols argileux et argilo-calcaires ont joué un rôle important dans la maturation des raisins, de sorte que les vins qui en sont issus se sont révélés juteux, aromatiques (notamment avec des notes de fruits à noyau et de fruits tropicaux), avec une faible acidité, mais assez harmonieux. Pour les vins doux, le moment des vendanges s’est également avéré important – la patience des vignerons, qui ont décidé de la reporter à la mi-octobre, a permis d’obtenir des vins riches et concentrés, capables de vieillir pendant des décennies, et d’avoir une acidité équilibrée. Les cépages rouges ont pour la plupart profité des conditions extrêmes de 2022 (mais favorables lors des périodes clés du cycle végétatif). Le Merlot sur sols argilo-calcaires s’est révélé juteux et fruité, mais pas trop mûr, le Cabernet Franc – aromatique et assez frais, le Petit Verdot, surtout là, où il apas été soumis à un stress hydrique excessif – épicé et riche, et le Cabernet Sauvignon – acidulé, mais pas astringent. Après le millésime 2021, qui se distingue des années précédentes par son caractère bordelais classique, sa fraîcheur et sa forte acidité, le millésime 2022 surprend par sa richesse et son niveau d’acidité globale moyen à faible, mais aussi par l’équilibre des vins. Pour l’instant, les vins de Bordeaux 2022 peuvent être qualifiés d’exceptionnels, mais seul le temps nous dira leur véritable potentiel. Dans le prochain article, je publierai des dizaines de notes de dégustation de la Semaine de Primeurs 2022. Source : Le millésime 2022 à Bordeaux, Pr Laurence GENY, Elodie GUITTARD, Dr Valérie LAVIGNE et Pr Axel MARCHAL, Institut des Sciences de la Vigne et du Vin de l’Université de Bordeaux, Unité de Recherche Œnologie Avec la participation de N. ALVAREZ, C. BAZ, V. TENINGE, L. RIQUIER et A. RABOT

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