Table des matières:
Le vin n’est pas toujours fait d’un seul cépage. Plus souvent, c’est une composition de deux, trois, quatre et parfois plus de Vitis Vinifera. Et cela s’applique non seulement aux vins rouges, mais aussi aux vins blancs. Mais quel est l’intérêt pour un vigneron de se compliquer la vie et de mélanger différents cépages, alors qu’il serait tout à fait possible de produire des cuvées mono-cépages ? Découvrons-le dans cet article.
Qu’est-ce que l’assemblage du vin
L’assemblage est très important et pratiquement inévitable dans la production du vin. Par définition, c’est une composition de deux ou plusieurs vins aux caractéristiques différentes. Lorsqu’un vigneron crée un assemblage, ses objectifs peuvent être :
- Création un style du vin spécifique
- Conformité à un certain standard (par exemple, le cahier de charges d’une appellation)
- Cohérence du style de son vin (par exemple, dans la cuvée classique d’une maison de Champagne)
- Obtenir le bouquet complexe et le meilleur équilibre dans le vin d’assemblage
- Masquer les imperfections
Techniquement, presque tous les vins sont des assemblages.Les vignerons utilisent plusieurs dizaines de cuves et de barriques pour faire une seule et même cuvée, dont les contenus seront mélangés avant l’embouteillage. Mais parfois les barriques particulièrement réussis, ou des cuves réservés à une zone spécifique avec les meilleures vignes, peuvent être embouteillées séparement. C’est le travail du maître des chais, ou l’œnologue, de déterminer si une cuve ou une barrique servira à intégrer la cuvée standard ou premium.
L’œnologue régulièrement (parfois tous les jours, surtout, vers la fin de la fermentation alcoolique et pendant la maturation du vin en barriques) goûte le contenu des cuves et des barriques, afin de décider, si le vin doit continuer sa maturation, quels containeurs associer dans un assemblage et lesquelles il faut réserver pour la cuvée premium.
Technique d’assemblage
Il est évident que les vignerons ne mélangent pas plusieurs cuves ou barriques à la fois avec des milliers de litres de vin sans être sûrs que le résultat sera à la hauteur de leurs attentes. La première étape est un assemblage de petits volumes pour déterminer la meilleure combinaison. Il existe plusieurs options d’assemblage entre différents lots des vins:
- Issus de cépages différents et complémentaires dans un assemblage – dans ce cas, le vigneron cherche à combiner les cépages d’une manière que les caractéristiques d’un cépage compenseront ce qui manque à un autre. L’exemple le plus connu est l’assemblage bordelais de Merlot et de deux Cabernets – Sauvignon et Franc. Ici, le Merlot est responsable du corps du vin et des notes fruitées dans son bouquet, le Cabernet Sauvignon ajoute aux profil du vin les tanins, la structure et le potentiel de garde, et le Cabernet Franc complète l’ensemble avec des notes florales élégantes et augmente l’acidité du vin. De plus, l’assemblage bordelais combine plusieurs variétés de raisin, car il est difficile de produire des vins-monocépages de «l’effet millésime» dans le climat bordelais. Les conditions météorologiques dans cette région varient d’une année à l’autre, elles peuvent être plus favorables à un cépage et moins – à un autre, ce qui résulte ne différents niveaux de maturité des raisins. Mais en associant plusieurs cépages en différentes proportions on peut trouver une belle harmonie entre eux
- Vin de goûte et vin de presse – pour faire un vin rouge, il faut que le jus reste en contact avec la partie solide du raisin -la peau, les pépins et parfois la raffle, dans la cuve de fermentation. Cela permet d’extraire les composantes aromatiques, les tannins et la couleur dans le jus de raisin, qui sera transparent sans ce procédé. Après la fin de fermentation, le moût est séparée de la partie solide – le marc, qui est ensuite pressée pour obtenir les dernières gouttes du moût. La liquide obtenue par le pressurage s’appelle « vin de presse », et par la séparation du moût et du marc – « vin de goûte ». Le vin de presse est très astringent et riche en couleur. Il sert à augmenter le niveau de tanins dans la cuvée finale et d’améliorer sa couleur.
- Vins obtenus par différents vieillissements – élever un vin dans 100 % de barriques neuves n’est pas une pratique courante. Des telles cuvées doivent être élaborées à partir de raisins exceptionnels, riches, concentrés, avec des tanins puissants qui s’adouciront pendant la maturation en barriques. Plus souvent les vins soit ne sont pas élevés en fûts, soit sont viellis dans des fûts de 1 ou 2 ans (c’est-à-dire dans des fûts qui ont déjà servi une ou deux fois). Mais les vignerons ne sont pas obligés à faire vieillir toute la cuvée de la même manière. Une partie de celle-ci peut rester dans des cuves neutres (inox ou béton), l’autre partie peut mûrir dans des barriques neuves et la troisième – dans des barriques d’un an ou dans de grandes cuves en bois – foudres. Les amphores en argile sont à la mode et sont de plus en plus utilisées pour y faire vieillir une partie d’une cuvée. De plus, à part le chêne, d’autres arbres servent pour la production des barriques: l’acacia, le cerisier ou le châtaignier. Ainsi, en utilisant différents types de conteneurs, le vigneron peut obtenir un bouquet original et riche
Ainsi, la technique d’assemblage utilisée dépend du style de boisson que le vigneron souhaite obtenir, ainsi que des caractéristiques et de la qualité des raisins.
Coupage et assemblage
Pour commencer, dans la terminologie française du vin, le terme « assemblage » est beaucoup plus utilisé que « coupage ». Personnellement, je n’ai jamais entendu employé par les vignerons le terme « coupage ». En fait, l’utilisation de l’un ou de l’autre terme dépend du contexte – si nous parlons de vins sans indication géographique, qui peuvent être un mélange de vins de différents cépages, de différentes régions et de différents millésimes, alors le terme « coupage » est utilisé. Le terme « assemblage » est utilisé s’il s’agit de vins avec une indication géographique protégée ou une appellation d’origine protégée. Dans ce dernier cas, les règles sont beaucoup plus strictes – pour exprimer la typicité d’une appellation, seuls les vins d’une même année, obtenus à partir de raisins cultivés sur le territoire de cette appellation, peuvent être mélangés.
Il ne serait pas superflu d’ajouter qu’il y a plusieurs siècles le terme « coupage » désignait la dilution du vin avec de l’eau, et le dictionnaire français moderne Larousse le définit comme « le mélange de vins de différentes qualités pour obtenir un résultat meilleur et plus homogène ».
Illustration et dégustation
Pour comprendre l’importance de l’assemblage il est tout à fait possible d’organiser un atelier ludique et informatif à la maison. Les Vignobles Siozard, exploitation de 60 hectares, élaborent des cuvées mono-cépages à partir de tous les cépages rouges de Bordeaux :
- Merlot
- Cabernet franc
- Cabernet Sauvignon
- Malbec
- Petit Verdot
- Carménère
A partir d’un telle gamme, on peut non seulement apprendre à identifier le bouquet typique de chaque cépage, mais aussi essayer de composer un assemblage harmonieux, caractéristique de n’importe quelle partie de la vaste région bordelaise.
Le domaine a conçu un coffret spécial avec trois vins mono-cépages et une éprouvette – un outil pour mesurer et mélanger des petites quantités des liquides. J’ai récemment testé ce coffret et voici les résultats de mon expérimentation.
Dans le coffret il y avait trois vins mono-cépages, issus des cépages les plus répandus à Bordeaux :
- Merlot sans Souffre ajouté 2019 (sans sulfites ajoutés)
- Cabernet Sauvignon 2019
- Cabernet Franc 2018
Je les ai essayés individuellement et en plusieurs assemblages, dans des proportions différentes, et j’en ai tiré des conclusions assez curieuses. Les notes de dégustation seront un peu plus courtes que d’habitude, car Le but de cet exercice n’était pas d’analyser les associations de met/vins, mais plutôt de définir les caractéristiques des cépages.
Couleur : Les trois vins avaient à peu près la même couleur, rubis d’intensité moyenne, mais le Cabernet Sauvignon était légèrement plus foncé que le Merlot et le Cabernet Franc. Cela est dû à la particularité de la variété – par rapport à deux autres variétés, sa peau est la plus épaisse, avec la plus grande quantité de pigments.
Arômes :
Merlot– d’une intensité moyenne, le bouquet est dominé par des notes de fruits rouges (framboises, cerises rouges, fraises) avec une légère pointe de menthe et de confiture de fraise.
Cabernet Franc – intensité moyenne (+), bouquet est plus variée. Il n’y a pas que des fruits rouges, mais aussi noires (cerises rouges et noires, groseilles rouges, framboises). De plus, l’ensemble est complété par des arômes de fleurs (violette) et d’herbes séchées.
Cabernet Sauvignon – moyenne (+) intensité, avec des notes expressives de fruits noires, typiques pour ce cépage (le cassis – le marqueur aromatique de Cabernet Sauvignon, la mûre, la cerise noire, la prune noire se distinguent particulièrement) et une pointe de menthol
Palais:
Merlot – intensité moyenne (+), des notes principalement fruitées, légèrement sucrées, similaires aux arômes (framboise, cerise rouge, fraise), mais une délicate pointe de poivre s’ajoute au palais. Tanins, corps, degré d’alcool, la durée de la finale sont d’un niveau moyen, acidité est moyenne (+). Les tannins sont un peu secs
Cabernet Franc – intensité moyenne (+), le bouquet de saveurs est similaire aux arômes (cerises rouges et noires, violette). Niveaux de corps et d’alcool moyens, niveaux de tanins moyens (+), texture est assez soyeuse. Mais la finale est moyenne (-)
Cabernet Sauvignon – intensité moyenne (+), les saveurs sont les mêmes que les arômes – des baies noires (cassis, cerise noire, prune noire). Corps moyen/moyen (+), alcool moyen, tanins moyens (+), un peu rustiques, mais équilibrés par le corps, la concentration du vin et la finale moyenne (+).
Comparaison de trois variétés
Le Merlot est considéré comme le cépage au bouquet le plus fruité et au corps rond. Dans l’assemblage il ajoute de la souplesse et de la concentration. Par contre, le vin-monocépage du Merlot du coffret a été le plus léger et le plus délicat des trois vins, avec l’acidité la plus élevée. Cette particularité s’explique par les conditions climatiques de 2019. Dans l’ensemble, ce millésime a été excellent pour la région, donnant des vins avec une structure solide, une bonne maturité et un potentiel de garde. Mais dans certaines parties de la région, de longues périodes de chaleur ont ralenti la maturation des raisins, parce que la vigne exposée au stress hydrique tente de survivre elle-même plutôt qu’à produire des fruits. C’était peut-être la raison pour laquelle le Merlot du coffret avait un tel profil. Ou ce vin peut être encore fermé pour la raison de son jeune âge.
Le Cabernet Franc 2018 était le moins fruité des trois, avec des notes d’herbes et de fleurs plus prononcées que les fruits rouges ou la confiture. Son niveau de tanins était comparable à ce du Sauvignon et légèrement supérieur à ce du Merlot. Ainsi, l’exemple du coffret représentait clairement le rôle de ce cépage dans l’assemblage bordelais :
- Dans les vins de la Rive Gauche (Médoc, Pessac-Léognan, Graves) il est présent en petite quantité et complète le bouquet par de subtiles notes florales. C’est le Cabernet Sauvignon qui donne aux vins une forte structure et des tanins à ces vins, car ce cépage réussi bien sur les sols graveleux
- Dans les vins de la Rive Droite (Saint-Emilion, Pomerol, Fronsac), le Cabernet Franc est responsable de la structure des tanins, de l’acidité et de la fraîcheur du bouquet. C’est-à-dire qu’il joue le rôle du Cabernet Sauvignon dans l’assemblage, car pour ce dernier il est difficile d’atteindre la maturité optimale sur les sols argilo-calcaires et calcaires de la Rive Droite
Le Cabernet Sauvignon m’a semblé le plus acidulé et structuré, mais aussi le plus équilibré des trois cépages. Encore une fois, dans un exemple du coffret, on a pu observer la particularité de ce cépage, qui complète le Merlot dans un assemblage bordelais. Le bouquet et le corps du vin-monocépage Cabernet Sauvignon sont moins expressifs au milieu de bouche, c’est le Merlot qui aide à les remplir.
Exemples d’assemblages
Avec ces trois vins, vous pouvez expérimenter et créer un certain nombre d’assemblages, en commençant par une combinaison de deux variétés (Merlot + Cabernet Sauvignon pour un assemblage typique de la rive gauche et Merlot + Cabernet Franc pour la rive droite) et en terminant par un combinaison que, très probablement, vous ne rencontrerez pas à Bordeaux – Cabernet Sauvignon + Cabernet Franc. Voici le retour de mes expériences.
Merlot (70%) + Cabernet Franc (30%) est un exemple d’assemblage de la rive droite. Le résultat est assez léger, avec une acidité élevée et un bouquet floral et fruité. Mais cet assemblage manquait de richesse et de corps pour équilibrer acidité et astringence.
Merlot (70%) + Cabernet Sauvignon (30%) – un exemple d’assemblage caractéristique de la rive gauche, plus équilibrée, grâce au Cabernet Sauvignon, qui a compensé le manque de corps du Merlot et complété le bouquet avec des notes des fruits mûres
Merlot (1/3) + Cabernet Sauvignon (1/3) + Cabernet Franc (1/3) – en général, cet assemblage est assez équilibrée, avec des notes de fruits plus prononcés, légèrement plus longs en finale, avec un bouquet plus complexe et tanins plus intégrés. Cependant, cet assemblage n’a pas été mon préféré. Ainsi, prendre des différentes variétés à parts égales ne signifie pas que vous obtiendrez certainement quelque chose de parfaitement harmonieux et exceptionnel.
Merlot + Cabernet Sauvignon + Cabernet Franc – dans des proportions différentes (20%, 50% et 30%, puis 7%, 23% et 70%) l’assemblage se manifeste différemment. La deuxième option a été la plus réussie, où le Cabernet Sauvignon a donné à l’assemblage sa richesse et son équilibre, le Merlot a ajouté une touche de fraîcheur et une vive acidité, et le Cabernet Franc a ajouté des tons floraux et herbacés au bouquet. La première option a été assez bonne elle aussi, mais moins équilibrée.
Cabernet Sauvignon + Cabernet Franc est une pure expérience, et pas décevante. Le vin était astringent en raison de la structure des deux cépages, mais la concentration de Cabernet Sauvignon était juste suffisante pour équilibrer le niveau de tanins.